Un temps à pas mettre un chien dehors. Chapitre I

By Aston's Cookies, 17/01/2014

J’ai eu une autre vie avant Aston’s cookies, relatée dans mon journal que je vous fais partager aujourd’hui.

« Un temps à pas mettre un chien dehors » : recueil de réflexions peut-être pas si « bêtes » sur mon quotidien de décembre 2008 à septembre 2011.

 

 

Lundi 1er décembre 2008

Je me présente, c’est l’usage. Aston du Royaume des Gardiens d’Eden. La particule ça en jette, ça impose le respect.
Chienne cane corso, trois ans et demi, soixante kilos. Une vraie merveille à ce qu’il paraît.
Ce sont mes parents qui l’assurent, mais bon, comme tous les humains ils sont un peu « dérangés ».
D’un autre côté, ne crachons pas dans la gamelle, leur état me convient. Leur gâtisme profond
me garantit une vie que je dois reconnaître des plus confortables.

Je vis dans une petite ville de province bien proprette où les rares espaces verts me sont bien évidemment interdits. Je suis pourtant bien élevée, je ne me laisse jamais aller sur un trottoir…
Un coin d’herbe est indispensable à mes petites commissions qui finissent ensachées dans la poubelle. Eh bien ce n’est pas suffisant pour échapper à la vindicte populaire !
Par contre, je croise assez souvent des humains qui pissent contre les murs, à deux pas des espaces prévus à cet effet. Que fait la police, je vous le demande ? Ben rien.

Tout à l’heure, une vieille pas si vieille, tout en vocifération, m’a hurlé dessus. Sans raison.
Juste parce que je croisais son chemin. En laisse bien sûr ! Faut pas déconner !
– Comment ! Un gros chien comm’ ça, ça doit pas sortir dans les rues, on sait jamais, y pourrait se jeter sur quelqu’un, y pourrait mordre, ça devrait être interdit… D’abord j’aime pas les chiens…
Mon plus doux regard lui répondit : “ tu t’es vue ? Plutôt crever que planter un croc dans ta graisse avariée “.
Mais ne nous tournons pas le sang en boudin pour une ex-mal-baisée-plus-baisée-du-tout.
C’est l’heure de la gamelle, et un repas pris dans l’énervement conduit fatalement au volvulus. Et ce soir c’est saumon sur lit de croquettes.

 

 

Mardi 2 décembre 2008

– Et mon bébé d’amour, il a fait un bon dodo ?
Oui, maman j’ai très bien dormi. Ce n’est pas ton cas car j’ai, une nuit de plus, pris toute la place. Du coup, tu as mal au dos, conséquence d’une bataille muette et inconsciente avec un bout de couette sur les vingt centimètres de matelas, laissés par moi vacants dans ma grande mansuétude. Et oui, je dors dans – ou plutôt sur – le panier des parents. J’ai déclaré La bi-portance-multi-spires des lattes du sommier labellisé par la Nasa indispensable au confort de mes lombaires.

– Que veux-tu pour ton p’tit déj’ mon coeur ?
Elle est mignonne maman ! Et prévenante !
Elle me fait choisir, chaque matin, mes biscuits parmi une gamme assez large de formes et parfums différents.
– Ceux-là !  Je réponds d’un coup de truffe sur le paquet de mon choix.
– Voilà ma louloute chérie “.
Je déguste et j’y reviens.
– Non Aston. C’est tout.
J’insiste.
– Non. C’est tout, c’est tout, c’est tout ! “
Triple zut. Deux fois “ c’est tout ” et je pouvais l’avoir au chantage affectif.
Mais trois fois “ c’est tout ”, c’est râpé, aucun espoir qu’elle rallonge la sauce.
Je lui fais savoir mon mécontentement par un mouvement d’humeur – de colère – en claquant la porte de la cuisine d’un coup de museau et, soufflant bruyamment, en allant m’affaler sur mon canapé. Fais gaffe ma fille, tu deviens humaine !

 

 

Mercredi 3 décembre 2008

Relâche.
Mon nègre est à la capitale pour deux jours.

 

 

Vendredi 5 décembre 2008

Ma copine Zina, cane corso comme moi, est en vacances à la maison pour trois jours.
On se fait des soirées pyjamas. Elle est sympa Zina. J’ai mes “ragnagna”.
Ceci explique peut-être mon humeur pas massacrante mais presque !
Voici l’objet de mon tracas.
Depuis quelque temps tout est fait pour limiter les déplacements en voiture.
Ce n’est pas pour me déranger. Je n’aime pas la voiture. Je n’aime plus depuis qu’au lendemain de Noël des individus nous aient percuté à 150 en ville, sans permis, accompagnant leur forfaiture d’un délit de fuite et de non-assistance à personne en danger (et qu’a fait la police, je vous le demande ? Ben rien, pas même une petite enquête).
Mon chéri adoré, Tanguy-le-boxer, est mort dans l’accident. J’ai mis six mois à me remettre de mes blessures et maman aura toujours des séquelles des siennes…
Bref, je peux tout à fait me passer de motorisation et aller à quatre pattes.
Je disais donc que radars, maréchaussée virulente, prix de l’essence, taxes et discours moralisateurs voire culpabilisateurs sur l’environnement faisant, le gouvernement mettait le paquet pour nous faire regretter les chevaux qui ronflent d’ennui au fond du garage.
Et puis, là, comme ça, tout de go, il faut à nouveau acheter des voitures fissa-fissa.
Du coup on se fout des réserves de pétrole bientôt épuisées. C’est la méga crise dans l’automobile et on s’active. Sparadrap sur jambe de bois, même pas grave, faut qu’ça tienne jusqu’aux prochaines élections ! Héritage empoisonné abandonné aux successeurs de l’autre rive sur lesquels la vindicte populaire n’aura plus qu’à s’acharner.
L’autruche, volatile dont chacun s’accorde à reconnaître la petitesse du cerveau, nous inspire la position la plus confortable à adopter… Et se serait nous les “chiens enragés” ? Ceux qu’il faut museler ?

 

 

Dimanche 7 décembre 2008

Zina rentre chez elle ce soir.
Le seul point positif sera un retour à une alimentation un peu plus appétissante !
Quand j’ai de la visite, pas de jaloux, tout le monde aux croquettes !
Je n’aime pas les croquettes, c’est franchement dégueu. Quand je pense que nous autres chiens, avons l’odorat et le goût à des années lumières de ceux des humains, faut-il que nous soyons vraiment de bonne composition pour accepter la nourriture immonde que l’on nous impose. Comme si mes parents ne se nourrissaient que de lyophilisés
re-boostés à la vitamine de synthèse !

Je suis principalement carnivore. C’est comme ça, ce n’est pas un caprice.
Les croquettes « premium » sont composées au maximum de 20% de déchets de viande.
Saviez-vous que les chiens n’ont rien de commun avec les vaches ?
Si vous ne voulez pas qu’on tourne “ folles ” comme celles devenues viandardes à “ l’insu de leur plein gré ”, boycottez la croquette qui, si elle enrichit les industriels nous file la pelade. Faites comme moi : les yeux doux au boucher qui vous laissera le kilo de bourguignon à cinq euros.
Juste un aller-retour sur le grill, mélanger avec un peu de riz et des restes de légumes (les familles avec enfants savent de quoi je parle !) et vous obtenez un savoureux repas complètement naturel ! Ne vous laissez pas abuser par le véto, brandissant l’épée de Damoclès de la culpabilité au dessus des têtes de parents fous d’amour pour leur progéniture : “ que des croquettes et seulement des croquettes, si vous voulez le garder longtemps en bonne santé ! “
Quand les croquettes n’existaient pas, ils faisaient comment les parents de chiens ???
Je suis écolo, je recycle : je débarrasse les reliefs des repas avec le plus grand plaisir.

Un de ces jours, je vais éditer un bouquin de recettes pour mes congénères.
Je deviendrais la “ Trish Deseine “ canine avec mes best-sellers “ le bonheur est dans la gamelle ”  ou “ petites gamelles entre amis “ ! Enfin peut-être pas celui-là que l’on risque de chercher dans un autre rayon !

 

 

Jeudi 11 décembre 2008

Papa et maman ont beaucoup de boulot ces derniers temps et de gros soucis aussi.
Du coup je reste un peu sur le carreau. Les ballades s’espacent et je frise la neurasthénie.
C’est vrai quoi ! Quand ils ont décidé de m’avoir, il fallait réfléchir !
C’est une responsabilité avec laquelle ils ne devraient pas s’arranger si complaisamment.
On sait ce que ça donne tout ça ! Des générations obèses, vautrées sur les canapés, incapables de quoique ce soit de constructif ! Plus jamais de chiens sauveteurs, de chiens d’aveugles, ni de chiens policiers…
Non. Seulement des pauv’chiens indolents, traînant jusqu’à la flemme de se gratter les puces au square du coin….
Tout fout l’camp, ma bonn’dame !

 

 

Vendredi 12 décembre 2008

Je n’ai plus droit aux promenades en ville. Papa et maman ne souhaitent pas qu’une meute libidineuse, langue pendante, ne se colle à ma croupe pour le moment attrayante. Un accident est si vite arrivé !
Je n’aurai pas de bébés. C’est décidé.
Je resterai libre, sans aucune autre contrainte que la gestion de mes journées, sans aucune autre responsabilité que d’être une idéale merveille pour mes parents nourriciers.
Pensez ! Treize – j’ai eu douze frères et sœurs – voraces pendus en permanence à mes mamelles, geignant, pissant et chiant partout… Et leur éducation qu’il me faudra assurer seule ! Car leur père aura bien évidemment tourné les coussinets dès sa petite affaire terminée, m’abandonnant sans le moindre scrupule à une inéluctable et terrible mammite. Treize petites boules de poils aux grands yeux bleus, si attendrissantes, si mi-mi, si… Oublieuses et promptes à faire leur vie ailleurs, à peine la dernière goutte de lait tirée ! Ingrates !
Non merci, vraiment. J’ai une très belle vie comme ça ! Mettre bas n’est pas pour moi un aboutissement, une fin en soi. Portées après portées, fatiguée, déformée et  prématurément usée… C’est pour d’autres perspectives que mon coeur se met en joie… On n’est pas des chiennes tout de même !

 

 

Dimanche 14 décembre 2008

Qu’est-ce que je peux dormir en ce moment ! Et rêver !
Mes hormones – elles ont bon dos – ça doit être ça…
À quoi peut bien rêver un chien ? Aux mêmes choses que tout un chacun. À ma vie, à celle que j’aurais pu avoir si… À celle que j’aurais dû avoir si… À celle que j’aurais si…
Dénuée du moindre soupçon de masochisme, je ne rêve qu’à me faire du bien.
Héroïne victorieuse en toute situation, j’y règle mes comptes par procuration.
Là, avec le chat de la voisine, ici avec les assassins de Tanguy, avec le constructeur immobilier escroc qui me prive de ma maison… Je troue la peau à toutes les injustices qui ont fini par aiguiser ma haine plus finement qu’une lame de Tolède.
Purgatoire de mes idées noires, mes rêves, nids de gorgones impitoyables, formatent tortures machiavéliques et issues infernales irrémédiablement définitives pour tous les troublions récurrents. Et ensuite, seulement c’est l’apaisement.
Petits soubresauts musculaires, grognements de fond de gorge et tics nerveux cessent aussitôt.

Un conseil : faites que jamais je ne rêve éveillée !

 

 

Lundi 15 décembre 2008

Il fait un temps à couper un chien en deux (expression Québécoise). Un chat devrais-je dire.
Les humains sont d’une cruauté qui dépasse l’entendement.
Pas que je sois un molosse d’une sensibilité particulièrement à fleur de poil, mais la nouvelle
m’a révulsée.

Drrriiing ! Le téléphone sonne. Tata L appelle maman à l’aide.
Elle se promenait sur les levées de Loire, et soudain entend un miaulement étouffé.
Elle s’approche, et là, jeté dans un fossé d’eau glacée, solidement ligoté au fond d’un funèbre sac de pompes (de marque !), un chaton de quelques semaines se battait vainement contre une lâche et sordide entreprise.
Il fallait maintenant trouver une famille à ce petit Moïse.
Tata L a déjà deux chats, mais Aston ne voudrait-elle pas un petit frère ?
Problématique compliquée aux nombreux paramètres et inconnues exponentielles…
Maman et les maths ça fait deux ! Et il y a urgence !
Alors chacune de leur côté, elles s’affairent à trouver un foyer chat-l’heureux afin que le petit oublie les difficiles débuts de l’une de ses sept vies. En vain.
Ce soir il dormira à la SPA, il aura chaud au moins, sera nourrit et entouré d’une centaine
de copains. Salaud d’humain.

 

 

Mercredi 17 décembre 2008

Toute petite déjà, je compris vite les règles du jeu. On obtient d’avantage par la douceur que par la force.
Je suis une fille, une vraie, équipée d’origine d’une arme redoutable : le charme.
J’en use, j’en abuse, les ressources sont inépuisables. En toute occasion je me montre IR-RÉ-SIS-TI-BLE  !

Je n’ai jamais fait de bêtises. Une fois seulement, il y a tellement longtemps qu’il y a prescription. Bébé de huit semaines, si je m’étais oubliée sur le parquet, je tirais mon plaid de mon panier jusque sur la petite flaque pour éponger ! J’avais vu faire maman avec la serpillière.
Un invité se présente à la porte ? Je l’accueille toujours un présent (une de mes peluches) à la gueule.
Je veux une friandise, je veux jouer dans un moment peu propice ?
Je commence par le demander gentiment :
– ouaaaahhhouuuaaaahhhhh , obtenu par une articulation longue et forcée de la mâchoire.
– Qu’est-ce que tu veux Aston ?
– ouaaaahhhouuuaaaahhhhh. Je répète, ajoutant le geste à la parole d’un petit coup de patte ferme.
– Ce n’est pas le moment, bébé.
Là, plutôt que d’aller me venger sur la première godasse qui traîne, de faire pipi-caca partout et de me rouler dedans, je monte sur les genoux (les antérieurs seulement!) de papa et le couvre de bisous. Il adooore les bisous. Ensuite, une fois sa capitulation obtenue par manquement de suffocation, je prends doucement sa main dans ma gueule et l’amène soit au placard à biscuits, soit à mon coffre à jouets. Je n’oublie pas le petit battement de cils pour finir de l’achever…
Comment ne pas fondre devant tant de gentillesse ? Vous pourriez, vous ?

 

Dimanche 21 décembre 2008

J’ai le blues de Noël. Le manque des êtres chers… Nostalgie quand tu nous tiens !
Papa, je n’en ai pas de souvenir, je l’ai très peu côtoyé. Il m’a laissé en héritage assez de carrure pour que je trace mon bout de chemin dans ce monde de sauvages. C’est déjà ça.
Maman… Il paraît que je lui ressemble beaucoup.
Me reconnaîtrait-elle ? Serait-elle fière de la belle grande fille que je suis devenue ?
J’essaye de me montrer à la hauteur des ambitions qu’elle nourrissait pour moi.
J’y mets tout mon cœur en tout cas ! Histoire de rattraper les rendez-vous manqués des doux moments de l’enfance. On peut toujours essayer de galoper derrière le temps, les regrets et les remords nous coifferont toujours au poteau ! Mais à l’heure des tétées, ces considérations n’effleurent pas les égoïstes loupiots.
Si parfois vous me trouvez l’air triste, l’air d’un chien battu, vous saurez que c’est parce que ma conscience me caresse à rebrousse poils…

Joyeux Noël.

 

 

Dimanche 28 décembre 2008

Bons baisers de Knokke-le-Zoute (Knokke-Het-Zout) où je prends quelques jours de vacances (waar neem ik enkele dagen in beslag van vakantie).
Ah la Belgique ! Son Manneken Pis, son Chat, ses Wallons, ses Flamands, ses gaufres, ses moules et sa désormais célèbre patate chaude !
– Très Cher, à vous l’honneur.
– Je n’en ferai rien ! Après-vous !
– Que nenni, je vous en prie…
Et oui ! Unique au monde, le gouvernement Belge est le seul pour lequel personne ne se dispute !
Partout ailleurs, après s’être aiguisées les crochets entre elles – elles sont teigneuses – les tiques tapent l’incruste.
Même gavées et repues de nous avoir sucé jusqu’au nonos – la place est au poils – elles se donnent un mal de chien pour ne pas la perdre !
Peine perdue mes copains Belges : aboyez, aboyez, les parasites jamais ne trépassent.

 

À suivre…