Un temps à pas mettre un chien dehors. Chapitre 4

By Aston's Cookies, 25/01/2014

Ne pas se fier au chien qui dort…

 

 

Mercredi 29 avril 2009

Trois mois ! Trois mois de privations ! Trois mois de tortures quotidiennes, d’efforts in-animaux… Pour quel résultat ?
J’ai bâillonné mon estomac, sourde par ascétisme, suivant, patte à patte, la voie de Siddhartha… Contritions après contritions, j’ai renoncé en salivant à l’appel de la satanique gamelle. Et pourquoi ma belle ?
Pour rien ! Je viens de me peser et j’ai pris un kilo et demi depuis mon opération.
Cinquante neuf kilos tout rond : le drame absolu si près du bikini !
Non content d’être affamé aux croquettes et à l’eau, mon petit bedon va, en plus, me pourrir l’été.
Putain. Fait Chier.
J’entends d’ici les remarques :
– Je voyais pas ça aussi costaud un cané corso…
– C’est un chien ? Pardon je l’avais pris pour un veau !
Sauf que ce n’est plus à mon âge qu’elles vont me pousser à l’anorexie…
Au mieux une petite déprime. Au pire devrais-je dire, car quand le moral me tombe dans les coussinets, je ne pense plus qu’à bouffer !
C’est l’heure d’ailleurs, oublions pour l’instant l’objet de tous mes maux, j’ai les crocs !

 

 

Jeudi 30 avril 2009

– Si’ vous plait madam, oune pitite pièce. C’est pour les yenfants. Oune pitite pièce pour donner à man-yer aux yenfants. Si’ vous plait madam, y’ai cinq yenfants…

– Et ben fallait pas les faire !

 

 

Mardi 19 mai 2009

Sur tous les abris-bus et affichages urbains de ma ville, fleurit une grande campagne municipale anti-crottes.
Ben oui, il faut bien reconnaître que c’est le plus grand fléau qui sévit dans notre belle agglomération ! Et de loin !
On a bien essayé de coller une contredanse aux affreux délinquants, mais trop compliqué à appliquer : la police est obligée de procéder à une identification, puis embarquer les contrevenants au poste… C’est du boulot !

Bref ! Désormais la ville met des toilettes publiques à la disposition de mes petites commissions ! Sauf que… nous ne sommes pas très différents de vous. Vous y allez, vous, dans vos pissotières ? Non, bien sûr, parce que ça pue l’enfer.
Et bien, trop d’odeurs ça nous la coupe aussi.

La vérité, c’est que les crados, ce ne sont pas nous les chiens. Ce sont les humains. J’en croise régulièrement qui soulagent leur vessie en plein milieu du passage sans le moindre scrupule… Et on voudrait nous faire croire que nous sommes les initiateurs de ces incivilités ?

Il y a plein de chiens à New York et jamais vous n’aurez la chance que votre pied gauche ne rencontre un porte-bonheur.
On nous respecte assez pour ne pas nous infliger un délit de fuite honteux dans une situation déjà des plus embarrassante.
Du coup ce sont des sourires que nous récoltons des promeneurs, et pas ces franchouillards regards haineux.
Sur le blog de Libé un grand spécialiste en épidémiologie nous assure que les déjections canines dans les villes sont à l’origine des pandémies de grippe A H1N1 et un autre que les maîtres de chiens sont des zoophiles !
En plein milieu de Central Park, nous avons une statue érigée en reconnaissance de notre endurance, notre fidélité et… notre intelligence. Et ben crotte alors !

 

 

Vendredi 22 mai 2009

Je me suis réveillée de mauvais poil ce matin. Tant et si bien que je suis même restée couchée ! Ce matin, mon Zorro est mort. Quand le radio-réveil s’est activé, ou plutôt quand je commençais à émerger, le museau enfui sous les oreillers, mon sang s’est soudain glacé. La petite boîte noire s’était mise à propager un gros tas d’ondes négatives : Jean-Pierre Coffe faisait de la pub pour Leader Price !
FAUST SORT DE CE CORPS !
Jean-Pierre Coffe c’était une bonne étoile ! Une lueur d’espoir dans le trou noir de la mal bouffe ! Le goût des produits simples, des marchés de province, le respect du travail bien fait, des petits producteurs, le pourfendeur de la pizza cellophane et autres poisons ! Zorro j’vous dis !
Je comprends que ce soit la crise et qu’il faille bien gagner son pain quotidien.
Mais du bon pain au levain, à la mie colorée et croûteux à souhait, il ne mérite plus !
Désormais c’est au pain des Borgia qu’il doit être condamné !
Comment en est-il arrivé à cette extrémité ? À ce coup de folie pure ?
Esprit criminel ! Nous vanter les mérites d’une enseigne où le vinaigre est “goût” balsamique et le Brie tout droit sorti de la cuve d’un employé du bâtiment !
Je n’ai pas le moindre croc contre les plâtriers, mais chacun son métier.
Ce matin il était question de melon. Français le melon ? S’est-il retrouvé sur l’étal du discounter après le suicide de son producteur réduit à galvauder le fruit de son travail ; ou bien d’Espagne, ramassé par des clandestins pour 2€ la journée ? Monsieur Coffe ! Ressaisissez-vous ! Quittez bien vite le chemin de vos errements et ne soyez plus la raison de mes tourments. J’ai déjà bien d’autres chats à fouetter !

 

 

Lundi 25 mai 2009

Putain. Quel bordel.
Quelqu’un pourrait-il m’expliquer pourquoi, de nos jours, les petits humains sont incapables de s’exprimer autrement que par des hurlements ?
J’ai de nouveaux voisins. Des jeunes, qui abaissent considérablement la moyenne d’âge du quartier jusqu’ici plutôt gériatrique. En fait, ces derniers temps, ça tombe comme des mouches aux alentours.
Les nouveaux occupent la maison voisine laissée vacante par son ancien propriétaire pour cause de congés définitifs. Désormais, il y a deux enfants de l’autre côté du mur. Deux petites filles : Décibel et Vacarme.
La meute de Cheverny, même bien excitée, ne serait pas capable du tiers du quart de la moitié du boucan que peuvent produire des heures durant ces petites brailleuses !
Si je devais aboyer le tiers du quart de la moitié, papa et maman seraient déjà poursuivis par de vindicatives plaintes d’un collectif de riverains furieux et exprès rassemblés pour me voir pendue haut et court !
Alors pourquoi ? Pourquoi être obligée de ne jeter qu’un oeil attendri sur ces chères petites têtes blondes ?
Parce que l’enfant est roi. Roi de la famille, de la société, du monde et de l’univers.
On l’a tellement désiré (fécondation assistée, congés maternité sponsorisés dès le lendemain de la procréation et j’en passe…) tellement idéalisé – l’enfant a toujours raison -qu’il est carrément inconcevable d’opposer une quelconque résistance au moindre de ses désirs. Désirs qui, soit dit en passant, n’ont qu’un seul et unique but : faire chier le monde.
Au restaurant par exemple.
Le chien (moi !) se couche sous la table et ne bouge plus d’une vibrisse avant l’addition.
L’enfant (lui !) commence par piquer une bruyante colère parce-que-c’est-pas-bon, confond sa chaise et son cheval à bascule, court entre les tables malmenant sacs des dames et vestes des hommes qui auraient été plus en sécurité aux vestiaires… Et tout ça sous le regard admiratif de leurs géniteurs et celui gêné du restaurateur qui ne se risquerait pas à une audacieuse et inconsidérée petite remarque ! Des claques oui !
Pareil dans les boutiques !
Le chien (moi !) attend sagement dehors devant la porte sourd aux réprobations des mères :
– Comment ! Un chien sans surveillance ! C’est inadmissible !
L’enfant (lui !) ballade sur tout l’étal ses doigts collants, réduit en miette le paquet de biscuits qui bien rangé sur l’étagère n’en demandait pas tant et fini par percer les tympans des autres clients en réclamant une sucette à maman qui cède bien sûr parce que, le pauvre chéri, c’est trop tentant ! La purge !
C’est un fait : Les chiens sont bien plus civilisés !

 

 

Mardi 26 mai 2009

À l’affiche de “gamelle” ce soir, un plat à ne pas mettre entre toutes les quenottes :
La Boulette Chinoise ! Régalez-vous !

 

 

Lundi 15 juin 2009

Tout ce temps, me serais-je complu dans l’Erreur ? Pendant toutes ses années aurais-je nié l’Evidence ? La Providence devrais-je dire !
Et bien, je dois humblement et à contre-coeur reconnaître ici mon égarement le plus profond : Il y a un Bon Dieu la haut ! Alléluia !
Quand la Justice des états est en RTT prolongés, l’intérim serait-il assuré par celle des cieux ? Il semblerait que oui et que le grand ordonnateur ait bien bossé pendant le joli mois de Marie ! L’une après l’autre, les sept plaies d’Egypte – qui étaient dix – vont-elles enfin s’abattre sur mes ennemis ?
C’est la bave aux babines que je me délecte de l’acharnement de la première.
Une simple mise en bouche j’espère.

 

 

Samedi 27 juin 2009

Joyeux Anniversaire Moi !
Je souffle aujourd’hui mes quatre bougies !
Façon de parler : on a pas eu le temps de m’organiser un goûter avec cotillons, serpentins et copains de square. “Parents” indignes !
Une pensée émue pour ma maman (la vraie) que je n’ai jamais revue depuis mes six semaines et qui, le 27 juin 2005, a dû peiner pour nous sortir tous les treize. Ses tous premiers bébés… Merci maman.

 

 

Vendredi 10 juillet 2009

Michael Jackson… Michael Jackson…
Quinze jours entièrement dédiés à Michael Jackson et pendant lesquels la terre s’est, semble-t-il, arrêtée de tourner.
La quasi totalité des chaînes de télé à travers le monde ont chamboulé leurs programmes pour retransmettre en direct une cérémonie publique à la mémoire de Michael Jackson… Des enchères à 100 000 dollars la place pour y assister (eh oui, c’est la crise…), un hommage planétaire sirupeux à cet être qui a tant souffert… Bref un martyr à côté duquel celui de Neda Agha-Soltan fait pâle figure.

Mais va t-on enfin me dire qui est ce Michael Jackson ?
Le prix Nobel de la paix ? Le découvreur du vaccin contre le sida, de l’éradication de la faim dans le monde ? L’inventeur de la roue, du fil à couper le beurre ?
Non ? Un quoi ??? Un chanteur ! D’accccord…
Apparemment il n’était pas le seul à être dérangé des boyaux de la tête !

 

 

Vendredi 31 juillet 2009

Mon nègre m’avait bien prévenue :
– Aston, tu ne comptes pas sur moi en juillet. Je n’aurais pas de temps à te consacrer.
Je m’étais raisonnée en me disant que c’était les vacances et que finalement les lecteurs ne se bousculeraient pas au portillon. Eh ben non !
Je dois remercier Héloïse pour son gentil compliment laissé sur mon truffoscope.
Je-suis-la-plus-belleu-na-na-na-na-nèreu !
Je vais me faire faire un compo comme les mannequins des magazines, courir les castings
et je ferai toutes les couv’ de la presse mode. Kate N’os n’a qu’à bien se tenir !
Merci également, Héloïse, d’obliger ainsi mon nègre à reprendre son job, bien que nous étions d’accord lui et moi pour ne pas répondre au courrier de mon fan club !

J’ai un peu la glue.
L’été il ne se passe pas grand chose. Si, en fait, mais cela ne se voit pas !
On nous manigance à l’ombre des parasols, des mesures toujours plus asservissantes, qui nous péteront au museau dès la rentrée… En attendant de pouvoir m’en émouvoir, je m’ennuie. Mes parents ont du boulot et ma copine Zina se prépare à la naissance de ses premiers bébés. Fini pour elle de jouer !
Je suis seule et désoeuvrée. Vivement la fin de l’été.

 

 

Lundi 10 août 2009

Message personnel pour Héloïse qui aurait souhaité accueillir ma progéniture si toutefois j’en avais eu une. Et bien voilà. Ma copine Zina, belle nana et une crème comme moi, vient d’avoir sept bébés qu’elle ne pourra pas garder.
Quatre filles et trois garçons. Trop mimi ! Et de bon pedigree avec ça !
Papa et maman se font violence pour ne pas craquer et agrandir la famille… J’ai beau leur dire que c’est moi qui ferai son éducation, ils ont moyen confiance et se voient mal repartir dans les couches et les biberons !
Donc, Héloïse, si tu es prête à assumer une lourde – 60 kilos ! – responsabilité, tu peux me laisser un petit message.

 

 

Jeudi 27 août 2009

Heureusement que je suis un chien et que je ne suis pas concernée par la grippe A.
Par contre, vous les humains…

Bientôt la rentrée des classes. Si trois mouflets attrapent la grippe, on ferme l’école !
Si,si. Maman l’a entendu aux infos.
Déjà que le niveau volait pas haut, le programme scolaire aura un goût de gruyère…
Question : si trois pompiers attrapent la grippe, on ferme la caserne ?
Si trois médecins attrapent la grippe, on ferme l’hôpital ?
Si seulement trois ministres pouvaient la chopper… hélas pas encore de vaccin anti-crétins !
Bon dieu qu’il fait bon être chien.

Chaque année, environs 2000 personnes tombent sous les crocs de la grippe, la normale,
celle ordinaire de tous les hivers. Et ben on en parle jamais.
Dès la deuxième victime de la nommée A, toutes les unes n’ont parlé que de ça…

Il faut dire que pendant ce temps, on ne parle pas du reste, de l’important.
Bon plan pour nos gouvernants !
Les moutons ont l’esprit trop occupé pour réagir aux promesses électorales foulées de la talonnette, aux impôts et taxes que l’automne n’empêche pas de fleurir, aux banquiers qui se tapent sur la bedaine de nous avoir piqué nos bas de laine… La liste est longue et tellement récurrente qu’elle en devient lassante.

 

 

Lundi 21 septembre 2009

À vôt’ bon coeur m’sieu-dam, à vot’ bon coeur…
Une t’ite pièce pour les pauv’ p’tits kikis abandonnés…

Crotte ! Si ça continue, mes congénères sdf ne vont même plus pouvoir bénéficier d’un minimum de charité.
Il y a eu le scandale de la croix-rouge qui a fait, en son temps, toute une salade – de Cresson- celui de l’ARC,  et c’est au tour de la SPA de nous péter un scandale.
Mauvaise gestion, détournements de fonds, comptabilités douteuses, clientélisme… Quatre-vingt millions d’euros de trésorerie et bon nombre de refuges pires que des taudis. L’horreur, la misère, l’injustice et le désespoir trouvaient encore de l’écho dans les coeurs aimants. Mais pour combien de temps ?
Trahie par des administrateurs hardis de sans foutre plein les fouilles, la générosité publique va se soldée par une source tarie. Des queues de cerises pour Felix et Kiki.
Il va être bien reçu, à coup de crocs dans le cul, le prochain qui va me faire une leçon d’Humanité. Humanité ! Charogne, oui ! Avec un grand C ! Comme la conne que je suis, d’avoir jusqu’ici, entretenu quelque espoir en son endroit !
Illusions, illusions ! Il fait vraiment un temps à pas mettre un chien dehors.

 

 

À suivre…